Côtes d'Amor : un chalutier coule, le drame évité de justesse

Appe­lés au secours d’un bateau en grande diffi­culté, les sauve­teurs l’ont vu couler comme une pierre, entraî­nant avec lui l’un des deux pêcheurs qui en formaient l’équi­page. L’homme a heureu­se­ment réussi à remon­ter à la surface. 

Coque du "Galatée" à quai à Saint-Quay-Portrieux
Renflouée, la coque cinquantenaire du "Galatée" sur le terre-plein du port de Saint-Quay-Portrieux © Didier Lebeau

Jour de pêche à la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, ce lundi 16 octobre 2023. Les chalu­tiers char­gés rentrent au port. À Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d’Ar­mor), l’équi­page de la SNS 156 Sainte-Anne-du-Port s’ap­prête à larguer les amarres pour venir en aide à un navire victime d’un début d’in­cen­die, quand le chalu­tier Gala­tée signale une voie d’eau et « demande assis­tance pour assè­che­ment et remorquage ».

Il est 11 h 27 et le centre régio­nal de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Corsen juge la situa­tion suffi­sam­ment grave pour diri­ger immé­dia­te­ment les béné­voles de la vedette sur le Gala­tée, un bateau de 9 mètres de long construit en 1974.

« Nous sommes arri­vés à peu près douze minutes après l’ap­pel du CROSS, raconte Didier Lebeau, président de la station, qui était à bord ce jour-là. Nous aper­ce­vons un bateau en dérive sur une mer assez formée, avec des creux de 1,50 à 1,60 mètre. Le pont est rempli de coquilles Saint-Jacques. Mais vue de notre bord, sa flot­ta­bi­lité semblait encore suffi­sante. »

Les deux marins qui consti­tuent l’équi­page du Gala­tée expliquent, sans plus de détails, avoir activé une pompe élec­trique qui n’ar­rive pas à étaler la voie d’eau. Autre­ment dit, il entre davan­tage d’eau dans le bateau qu’ils ne peuvent en reje­ter par-dessus bord ! Ils ont donc besoin du renfort de la moto­pompe de la SNS 156, plus puis­sante.

Le chalutier chargé de coquilles Saint-Jacques
Les chalu­tiers rentrent char­gés de coquilles Saint-Jacques. Une telle cargai­son peut déséqui­li­brer un petit bateau comme le Gala­tée. © Domi­nique Malé­cot

Le bateau se retourne soudai­ne­ment

« Nous n’avons pas eu d’informations sur la quantité d’eau se trouvant dans le bateau. Nous avons fait le tour du "Galatée" et avons expliqué à l’équipage comment nous allions accoster, ce que nous allions faire... C’est vrai que la situation était assez particulière à cause de la mer agitée. Il était difficile de voir si le bateau flottait normalement ou s'il était surchargé par une grande quantité d'eau. »
Didier Lebeau
Sauveteur en Mer, patron à la station SNSM de Saint-Quay-Portrieux

L’un des Sauve­teurs en Mer monte sur le bateau de pêche avec la moto­pompe de la vedette. Il l’ins­talle avec l’aide des deux pêcheurs, puis tente de la démar­rer. «  C’est à ce moment que nous voyons le bateau faire un gros mouve­ment, se retour­ner et couler  », se souvient le président de la station.

Le Gala­tée s’en­fonce comme une pierre, sans le petit laps de temps où un bateau retourné flotte, au moins partiel­le­ment, avant de sombrer. « Notre équi­pier et l’un des requé­rants se retrouvent à l’eau et remontent assez faci­le­ment à la surface, indique Didier Lebeau. On ne voit pas tout de suite le deuxième pêcheur. Cela a peut-être duré quelques secondes, mais le temps nous a paru très long. » Suffi­sam­ment long pour que des images d’ac­ci­dents drama­tiques « traversent les esprits », recon­naît-il. Coincé dans la cabine, le pêcheur mettra quelques instants à se déga­ger avant de remon­ter à la surface (lire ci-dessou).

La vedette de la SNSM effec­tue quelques manœuvres rapides pour récu­pé­rer les naufra­gés. «  Puis nous les avons désha­billés et réchauf­fés. Ils n’étaient pas restés long­temps dans l’eau et tout s’est passé de manière parti­cu­liè­re­ment sereine », conclut le président Lebeau.

Les bilans médi­caux réali­sés à bord ayant permis de s’as­su­rer qu’au­cune assis­tance médi­cale était néces­saire, l’équi­page de la SNS 156 a récu­péré les objets flot­tants, tels que bouées et balises de détresse, qui étaient remon­tés à la surface. Puis les béné­voles ont signalé des irisa­tions sur l’eau qui pouvaient prove­nir du moteur ou des cuves du Gala­tée, qui conte­naient 400 litres de gazole, afin que la préfec­ture prenne les mesures néces­saires. La Sainte-Anne-du-Port était de retour à Saint-Quay-Portrieux, naufra­gés débarqués, à 12 h 57.

Nos sauve­­­teurs sont formés et entraî­­­nés pour effec­­­tuer ce type de sauve­­­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Un pêcheur bloqué dans la cabine

Le dernier marin remonté à la surface se trou­vait dans la timo­ne­rie lorsque le bateau a coulé. Son gilet de sauve­tage s’est alors gonflé auto­ma­tique­ment, l’em­pê­chant de sortir. Plon­geur apnéiste, il a gardé son calme et, plutôt qu’en­le­ver son gilet pour se déga­ger, il a attendu que les pres­sions entre l’in­té­rieur et l’ex­té­rieur de la cabine s’équi­librent. Il a pu alors sortir, alors que le Gala­tée se trou­vait à une dizaine de mètres de profon­deur. Selon lui, le gilet gonflé lui a ensuite permis de remon­ter plus vite à la surface. Reste que s’ex­traire d’un bateau coulé est souvent très diffi­cile, voire impos­sible, surtout si l’on ne peut pas reprendre son souffle dans une « bulle d’air » qui se serait formée dans le bateau.

« Ça nous rappelle que nous pouvons aussi tomber sur des interventions hyper-compliquées »

Didier Lebeau, président de la station de Saint-Quay-Portrieux

Même plusieurs semaines après l’ac­ci­dent, diffi­cile de déter­mi­ner les causes précises du naufrage du Gala­tée. Le président de la station SNSM de Saint-Quay-Portrieux, Didier Lebeau, émet l’hy­po­thèse « d’un mouve­ment de l’eau qui aurait envahi le bateau  ».

«  Il est possible qu’il y ait eu un enva­his­se­ment d’eau du compar­ti­ment moteur, qui n’était pas spécia­le­ment visible et dont nous n’avons donc pas été infor­més, pour­suit-il. Si nous l’avions su, nous aurions peut-être procédé diffé­rem­ment. Nous nous sommes dit que nous allions sauver l’équi­page, puis, proba­ble­ment, le bateau. Mais, même avec la moto­pompe en route, je ne sais pas si nous aurions réussi. »

«  Cette inter­ven­tion nous ramène aussi à la réalité de notre mission, confie Didier Lebeau. Dans la plupart de cas, on fait du remorquage ou on va cher­cher une personne sur un rocher isolé. Heureu­se­ment, nous ne sommes pas confron­tés à des situa­tions comme celle du Gala­tée tous les jours et, quand elles se produisent, cela nous rappelle que nous pouvons aussi tomber sur des inter­ven­tions hyper-compliquées. D’où l’in­té­rêt de conti­nuer à s’en­traî­ner régu­liè­re­ment tous les same­dis.  »

Depuis, tous les sauve­teurs embarqués de Saint-Quay-Portrieux ont suivi un petit cours sur le compor­te­ment des bateaux et des carènes liquides – dépla­ce­ment d’une masse de liquide suffi­sante pour compro­mettre la stabi­lité d’un bateau ou d’un véhi­cule – dans diffé­rentes situa­tions. Il a été dispensé par le patron de la station, Cyrille Morde­let, ensei­gnant dans un lycée mari­time.

Équipage engagé

Vedette de première classe
SNS 156 Sainte-Anne-du-Port

 

Patron suppléant : Ronan Lelong

Sous-patron : Yvon Queromes

Radio : Didier Lebeau

Nageur de bord : Alain Salliou

Équi­pier : Philippe Zeddam

Article rédigé par Domi­nique Malé­cot, publié dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tage n°167 (1e trimestre 2024)